Ma santé

L’actu de la démocratie en santé

Le mot de l’expert | Publié le 24.09.24

Eclairage sur les enjeux du dépistage du cancer colorectal avec le Professeur Lepage

Depuis plusieurs années, Mars Bleu s'efforce de sensibiliser le public au dépistage du cancer colorectal, une maladie qui peut être traitée efficacement lorsqu'elle est détectée tôt. 

Cependant, il est regrettable de constater que plus de 60 % du public cible ne suit pas les recommandations en la matière, alors même qu’il est la deuxième cause de mortalité par cancer pour les hommes et la troisième pour les femmes (17 100 décès par an au total pour les deux sexes).

Pour en savoir plus sur l'impact de cette campagne et les défis persistants, nous avons rencontré le professeur Lepage à l’occasion de Mars Bleu 2024, spécialiste en hépato-gastroentérologie au CHU de Dijon.

Le ruban bleu est le symbole de la lutte contre le cancer colorectal.

Mars Bleu : Un appel à la mobilisation pour le dépistage du cancer colorectal

Si l’évolution du recours au dépistage depuis la mise en place de Mars Bleu connaît un léger progrès, la prise de conscience demeure un défi majeur. 

 

Bien que les campagnes successives aient contribué à une légère augmentation des dépistages, la participation au dépistage du cancer colorectal en France reste en deçà des objectifs fixés, avec moins de 40 % des 50-75 ans y participant, contrairement aux Pays-Bas où près de 70 % sont engagés. Cette recherche de mobilisation est d’autant plus importante que, pour qu’il permette une amélioration de la santé de la population générale, les pouvoirs publics estiment qu'il faudrait qu'au moins 45 % de la population y participe. Le Professeur souligne donc l'importance d'une communication continue et d’un renforcement de la responsabilité individuelle.

En plus de Mars Bleu, des initiatives sont en cours pour rendre les tests de dépistage plus accessibles. Cela s’est traduit par leur disponibilité chez divers professionnels de santé et en ligne, sur le site https://monkit.depistage-colorectal.fr, et par le développement d’efforts de communication (campagnes d’affichages, vidéos explicatives, clips musicaux…). En sus, des progrès sont également réalisés dans le développement de tests sanguins, moins invasifs, mais leur coût demeure un défi (5 000€ contre 5€ pour le kit de test hemocculte, d’analyse par la recherche de sang dans les selles).

Voici un exemple de campagne de prévention : une "vidéo complètement décalée", réalisée par Prevenstuff et le le Dr Antoine Debourdeau, Gastro-Entérologue, avec le soutient du CHU de Nice. Cette approche originale permet d'aborder "le sujet sérieux du Cancer Colorectal", de manière plus ludique.

La Démocratie en Santé : un enjeu crucial pour le dépistage

Lors de notre entretien, nous avons abordé la question de la démocratie en santé. Malheureusement, il s’agit d’un concept encore trop peu connu, y compris par les professionnels, malgré l’importance qu’il revêt face aux défis à relever dans ce secteur. 

 

Interrogé sur à la démocratie en santé, le Pr Lepage a admis ne pas en avoir eu connaissance auparavant. Cependant, il a immédiatement souligné son importance pour encourager les dépistages, notamment en raison de leur proximité avec l’usager. Des actions ciblées sur les publics vulnérables, plus à risque de développer ce type de pathologie et moins sensibilisés à ces actions de détection, pourraient alors être développées dans le cadre des actions de la CRSA et des CTS. 

 

Les attentes du Pr. Lepage à l'égard de ces instances sont donc claires : il souhaite voir des mesures concrètes mises en place pour favoriser les dépistages. Il souligne la nécessité de rendre ces actions accessibles et attrayantes pour l'ensemble de la population, afin de garantir une prévention efficace contre les maladies, considérant la démocratie en santé comme un outil de collaboration précieux, bien que méconnu. 

Portrait du Pr Lepage

Le Pr Lepage pense que les instances de démocratie en santé pourraient être un moyen d'agir au plus près des populations, en matière de prévention.

Baisse d'Attractivité dans le Secteur Médico-social : quels leviers actionnables par la démocratie en santé ?

La question de l'attractivité des métiers médico-sociaux est devenue un sujet préoccupant ces dernières années, dont les instances de Démocratie en Santé se saisissent. Le Pr Lepage nous a partagé son expérience et ses réflexions sur ce défi crucial.

 

L'idée d'une baisse de recrutement des médecins dans le secteur est à nuancer. En effet, grâce à l'augmentation régulière du nombre d'internes, il n'y a pas de pénurie en termes de nouveaux professionnels formés. Cependant, le problème réside dans le nombre croissant de départs à la retraite, ainsi que dans leur répartition géographique : l’augmentation du nombre d’élèves ne permet pas de pallier le manque de professionnel, mais en recruter davantage reviendrai à engager une baisse de la qualité de leur formation. 

De plus, si la redensification des effectifs de certains départements par des élèves du CHU de Dijon est envisagées, cette action est confrontée au besoin d'encadrement (nécessité d’au moins un médecin titulaire sur place) et d’un plateau technique fonctionnel et aux normes, qui fait défaut dans certains hôpitaux périphériques. Dans ces conditions, relancer l’activité sur certains territoires s’avère très lourd, alors même que le CHU de Dijon aurait besoin de déléguer. 

Enfin, interrogé sur les actions de sensibilisation dans les lycées, le Pr. Lepage appelle à la prudence, dans la mesure où peu de lycéens reviennent exercer dans leur lieu d’origine. Ces initiatives doivent donc être accompagnées de mesures d’attractivité du territoire pour les encourager à revenir après leurs études. A ce titre, il souligne l'importance de services de transport pratiques et efficaces et de considérer sérieusement l’aspect financier, en particulier si la région concernée nécessite de prendre en charge de nombreux déplacements. Cela, en plus de garantir un environnement propice à la vie familiale. C’est dans ce contexte que les instances de démocratie en santé pourraient se saisir de certains sujets, aux côtés d’autres acteurs du territoire, qui œuvrent déjà au quotidien et depuis plusieurs années sur cette problématique.

 

Ainsi, bien que la question de l'attractivité du secteur médico-social pose des défis importants, des mesures axées sur l'accessibilité, la mobilité, les incitations financières et la sensibilisation précoce peuvent être prises pour inverser la tendance et garantir des soins de qualité pour tous. Des éléments dont les instances de démocratie en santé pourraient s’inspirer, pour agir à leur niveau, à ce sujet.

 

Louise Lepage

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