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L’invité du Bulletin | Publié le 07.07.25

Donner une voix aux aînés : l’Europe face au défi du vieillissement

Dans les coulisses de Bruxelles, Philippe Seidel Leroy porte la voix des aînés européens. À travers le réseau AGE Platform Europe, il défend une santé publique inclusive, alerte sur les inégalités d’accès aux soins, et milite pour que le vieillissement ne soit plus considéré comme un problème.

Portrait de Philippe Seidel

Parler du vieillissement, c’est parler d’avenir. Philippe Seidel Leroy, n’est pas médecin, mais il soigne une fracture majeure de nos sociétés : celle qui isole les personnes âgées, les invisibilise, ou pire, les rend indignes. À Bruxelles, au cœur des institutions européennes, il porte la voix de millions de seniors à travers AGE Platform Europe, un réseau citoyen aussi discret qu’influent.

À la croisée des chemins entre citoyenneté, santé publique et droits fondamentaux, il milite pour une société européenne où la longévité est perçue non comme un poids, mais comme un progrès de civilisation. Il y coordonne notamment les questions de santé, de soins de longue durée, ainsi que la lutte contre les abus et négligences envers les aînés, en sa qualité de Responsable du plaidoyer pour les politiques économiques et sociales au sein d’AGE Platform Europe.

Dans son bureau, pas de tableau Excel sur la démographie. À la place, des dossiers sur l’accès aux soins, les abus en établissements, ou les aidants familiaux à bout de souffle. Car si les politiques de santé restent une compétence nationale, Philippe le répète : « L’Europe peut faire beaucoup plus qu’on ne le pense ». Aujourd’hui, il nous éclaire sur le rôle de l’Union européenne et surtout sur la manière dont chaque citoyen peut contribuer à faire évoluer les politiques.

Un réseau européen au service du bien vieillir, pas une machine à influence

AGE Platform Europe, plus grand réseau d’organisations pour les personnes âgées en Europe, regroupe une multitude d’organisations du syndicat de retraités au réseau européen de femmes âgées en passant par les clubs seniors à but social : sa diversité fait sa force. Présent dans presque tous les pays européens, au-delà même de l’Union, ce réseau agit comme un lobby citoyen, qui défend non pas des intérêts économiques, mais bien des valeurs fondamentales : solidarité intergénérationnelle, lutte contre l’âgisme, respect des droits humains à tout âge. Il constitue également une plateforme de représentation de la parole citoyenne : « Beaucoup pensent qu’ils sont seuls. Mais il suffit d’ouvrir la porte d’un établissement, d’écouter un aidant, pour comprendre qu’une autre politique est possible ».

Ensemble, ils partagent ainsi la vision commune d’une société inclusive où la longévité est considérée comme un succès de civilisation, et non comme un fardeau.

Santé et vieillissement : l’Europe en soutien, mais pas en pilote

Même si les politiques de santé relèvent des États membres, l’Union européenne joue un rôle essentiel dans les politiques publiques de santé : elle finance, coordonne, et normalise. Elle contrôle les médicaments, finance la recherche sur les maladies rares ou encore des initiatives innovantes, comme l’adaptation des établissements de soins aux enjeux climatiques, par exemple.

Autre exemple souvent méconnu : le programme Erasmus+. Souvent associé aux jeunes, il inclut aussi des actions pour la formation des professionnels du soin et le financement d’actions au niveau local. Des projets transnationaux permettent ainsi de créer des modules de formation communs, sur des sujets aussi actuels que la diversité culturelle dans les EHPAD, et des financements peuvent être attribués pour des projets territoriaux. Un outil clé pour bâtir des réponses européennes adaptées aux réalités locales.

« On oublie que l’Europe, c’est aussi un levier concret pour les professionnels de terrain », rappelle Philippe Seidel.

Les défis du vieillissement : accessibilité et reconnaissance

Le vieillissement de la population pose des défis majeurs, notamment en termes de financement. Dès lors, face à la transition démographique, l’Europe doit investir autrement.

Philippe Seidel alerte, il est souvent plus rentable d’investir dans des environnements accessibles que dans des soins correctifs, plus rentable d’aménager l’environnement (accessibilité des bâtiments, mobilité, logement) que de recourir à des soins intensifs une fois la dépendance installée. Cela améliore la qualité de vie, prévient la perte d’autonomie et réduit les coûts à long terme. De la même manière, il relève que les retraités sont souvent oubliés des politiques publiques, à l’instar de la Belgique, où la première consultation psychologique gratuite était réservée aux actifs : « L’âgisme institutionnel existe. Et il commence souvent là où l’on croit bien faire ». Grâce à l’action des membres flamands de AGE, cette politique a pu être changé.

L’UE a lancé la Care Strategy, première tentative de coordination européenne en matière de soins de longue durée. Mais ce n’est encore qu’une recommandation : pour Philippe Seidel, il faut aller plus loin, reconnaître et structurer ce secteur clé. Il alerte : « Les soins de longue durée doivent soutenir l’indépendance tout au long de la vie, et non enfermer dans un modèle unique d’institutionnalisation ».

Autre enjeu central : les aidants informels. Souvent invisibles, ils assurent près de 80 % des soins en Europe, au prix de leur propre santé et vie professionnelle : en majorité des femmes, ils sont contraints de quitter le marché du travail pour s’occuper de leurs proches. AGE milite pour une formalisation de ces soins, bénéfique à la fois pour la société et pour les aidants eux-mêmes.

Une action politique et citoyenne : s’engager pour faire entendre la voix des aînés

Comment agir en tant que citoyen ? « Beaucoup de gens se sentent seuls face à leurs problèmes. Mais en cherchant d’autres personnes concernées, en se fédérant, on peut porter une voix », souligne Philippe Seidel. Que ce soit dans une association d’aidants, de patients, ou dans des réseaux européens comme AGE, chacun peut jouer un rôle : : « Il faut oser parler, se fédérer, faire entendre sa voix. L’Europe a besoin des témoignages du terrain ». La mobilisation des citoyens est essentielle.

S’engager dans une association, rejoindre un réseau européen, participer à des groupes de réflexion : les moyens d’agir sont nombreux. Et c’est aussi au sein des établissements que le changement s’opère : repenser la place des résidents, renforcer leur autonomie, écouter leurs besoins. AGE Platform Europe collabore activement avec les institutions européennes, tout en restant indépendante (les financements privés sont filtrés par un comité éthique).

Pas un problème à gérer mais un projet à construire

À travers AGE Platform Europe, Philippe Seidel Leroy défend une vision forte : celle d’une société où le vieillissement n’est pas un problème à gérer, mais un projet à construire. Et pour cela, l’Europe n’est pas seulement une institution lointaine : c’est un outil au service des citoyens, à condition que ceux-ci s’en saisissent.

En savoir plus

➡ Retrouvez les actions, publications et membres d’AGE Platform Europe sur www.age-platform.eu

Louise Lepage,
Chargée de mission Démocratie en Santé

Bulletin n°3
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