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Le mot de l’expert | Publié le 07.07.25

Les changements engendrés par les grandes lois Handicap : le point de vue de Christophe Alligier, Directeur général régional de l'UGECAM et Vice-Président de la CSMS

Il y a 50 ans, la loi du 30 juin 1975 posait les premières pierres d’une politique publique du handicap. Trente ans plus tard, la loi du 11 février 2005 affirmait de nouveaux droits : égalité, citoyenneté, compensation, accessibilité. Deux textes fondateurs qui ont marqué les esprits et les pratiques.

Mais si ces lois ont profondément transformé le paysage médico-social, elles laissent encore en suspens une question essentielle : comment traduire leurs principes dans la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, et surtout, de façon équitable sur tout le territoire ?

Un changement de pratique

En un demi-siècle, la logique a basculé. Là où l’on cherchait autrefois à "soigner", on vise aujourd’hui à accompagner. Le principe n’est plus systématiquement le traitement du patient mais l’adaptation de l’environnement pour permettre à chacun de développer ses potentialités.

Dans les établissements médico-sociaux, les parcours sont devenus plus flexibles. Parfois à la demande des familles, l’accompagnement séquentiel se développe, les formules d’accueil évoluent, le retour à domicile est mieux suivi. Le milieu ordinaire est devenu la norme de référence, non plus l’exception tolérée.

Cette transformation s’observe aussi dans la manière dont les personnes concernées s’approprient leurs droits. Grâce à des outils comme le FALC, mais aussi à la maturité grandissante des familles et des personnes accompagnées, les décisions sont davantage partagées. Le droit de choisir, de s’exprimer, d’élaborer un projet de vie personnel devient un fait, et plus seulement un principe. Les démarches restent complexes pour beaucoup, mais les attentes évoluent – et avec elles, les exigences.

La logique de compensation du handicap fait désormais partie des pratiques dans de nombreux établissements. Le projet personnalisé est un outil central de l’accompagnement. La participation à la vie sociale, dans ses différentes formes, est mieux reconnue. Le droit de vote, symbole fort, est de plus en plus soutenu sur le terrain.

Mais d’autres principes tardent à se traduire. L’accès aux soins illustre ces ruptures : selon les situations, une personne en situation de handicap pourra ou non accéder à un médecin traitant, un spécialiste, un accompagnement de proximité.

Ces écarts ne relèvent pas uniquement des moyens alloués. Ils tiennent aussi à l’organisation du système et à la manière dont les professionnels sont préparés à accueillir et comprendre la diversité des situations.

Former et acculturer, deux points clés pour un changement durable

La formation constitue aujourd’hui un levier structurant pour rendre les droits effectifs. Il ne s’agit pas seulement de développer des compétences techniques sur le handicap, mais de changer les représentations, de construire une culture commune de l’inclusion, non seulement pour les professionnels de santé mais pour tous les secteurs.

Quand la formation permet une rencontre humaine directe avec les personnes concernées, elle modifie durablement les postures. Elle réduit les peurs, les maladresses, les filtres inconscients. Elle crée les conditions d’un accès plus juste aux services.

Aujourd’hui, ces dynamiques restent souvent portées localement, à l’initiative d’équipes engagées. Elles doivent devenir systémiques. Former l’ensemble des professionnels, dans tous les secteurs, est un prérequis pour rendre effectives les ambitions des lois de 1975 et 2005.

Si vous pouviez réécrire un article de la loi de 2005...

Pour Christophe Alligier deux éléments pourraient être ajoutés à l’article 2 pour une portée plus concrète : d’une part, la reconnaissance du handicap comme un risque social nécessitant une couverture à part entière, au même titre que la maladie ou la vieillesse, d’autre part, une organisation de proximité fondée sur le droit commun. Les dispositifs spécialisés ne suffisent plus à garantir l’accès aux soins, à l’emploi ou aux droits. Ce sont les structures de droit commun comme les cabinets dentaires, les universités, les services sociaux de proximité, qui doivent intégrer les besoins des personnes handicapées dans leur fonctionnement quotidien.

Il ne suffit plus aujourd’hui de garantir un socle de droits : il faut penser leur mise en œuvre dans une société qui change. La génération qui grandit aujourd’hui dans des classes plus inclusives portera demain de nouvelles attentes, et la société devra y répondre.

Former, adapter, écouter, simplifier : voilà les axes de travail pour les années à venir. Faire tomber les murs, visibles ou invisibles, qui isolent encore. Créer des espaces de rencontre, de droit, d’échange. Car quand on pense l’environnement pour les plus fragiles, on améliore le quotidien de l’ensemble de la population.

Claire Brodier,
Chargée de mission Démocratie en Santé

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