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La santé mentale « grande cause nationale 2025 »
Le sport fut la grande cause nationale 2024 (jeux olympiques obligent), la santé mentale sera celle de 2025.
Lors de sa déclaration de politique générale du 1er octobre, le 1er ministre , a en effet déclaré vouloir faire de la santé mentale la « grande cause » de l’année 2025, faisant référence implicite à sa mère qui , pendant 35 ans , a été la présidente de l’UNAFAM (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) en Savoie.
Par une communication en conseil des ministres le 10 octobre, la ministre de la santé et de l’accès aux soins a confirmé cette décision .
Une attente :
Cette labellisation couronne les efforts de 3 000 organisations issues de tous horizons : psychiatrie, entreprises, usagers, lieux d’accueil, d’accompagnement et de soins, experts et chercheurs, unies sous la bannière du « Collectif Grande Cause Santé Mentale 2025» co-animé par Santé mentale France et l’Alliance pour la Santé Mentale et dont on peut consulter le site et la plateforme dédiée : https://www.santementale2025.org/
Par des campagnes de sensibilisation et une pétition citoyenne qui a recueilli près de 45 000 signatures, cette mobilisation témoigne d’un large soutien citoyen, et de l’attente croissante d’un changement concret dans les politiques publiques.
Dans un communiqué du 1er octobre , l’UNAFAM se réjouit de l’obtention de ce label qui répond à une urgence sociétale et de santé publique et devrait permettre un recours précoce aux soins ainsi qu’un accompagnement efficace pour le rétablissement des personnes vivant avec un trouble psychique.
Le projet d’un CNR psychiatrie (conseil national de la refondation) promis par le Président de la République, avorté en raison de la dissolution de l’assemblée nationale, n’a fait que conforter cette attente.
Dans les rangs des psychiatres et de leurs représentants, cet engagement de Matignon est accueilli avec plus de circonspection : ils ne cachent pas être un peu « échaudés » par une communication politique récurrente, alors que la crise de la psychiatrie ne cesse de s’aggraver : 48% des postes de praticiens sont vacants à l’hôpital public.
Quel bilan ?
On ne peut pas dire que rien n’a été fait.
- Les annonces n’ont pas manqué :
- feuille de route santé mentale et psychiatrie 2018 - 2026,
- assises de la santé mentale en 2021 ,
- Des mesures ont été prises :
- premiers secours en santé mentale,
- ligne téléphonique de prévention du suicide (3114),
- développement des CMP,
- dispositif « mon soutien psy »,
- plan des 1000 premiers jours de l’enfant,
- stratégie nationale autisme dans les troubles neurodéveloppementaux,
- feuille de route prévention du mal être et accompagnement des agriculteurs en difficulté.
- Des structures ont été mises en place
Ont été créés :
- un poste de délégué à la santé mentale et à la psychiatrie auprès du ministre en charge de la santé (décret du 29 avril 2019): le Pr. Franck Belliviers, et par voie de conséquence d’une délégation à la santé mentale et à la psychiatrie avec un secrétaire général, une conseillère, un chef de projet ….
- un comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie (CSSMP) en 2021, fort de 31 membres représentants des différents grands acteurs institutionnels, professionnels et associatifs du champ de la santé mentale. Réuni au moins une fois par an par le Ministre des solidarités et de la santé ( à l’époque), il suit l’évolution de la mise en œuvre de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie ».
Des difficultés chroniques :
Et pourtant, en dépit de ces annonces, de ces plans, ,de ces structures , la ministre a elle-même reconnu en conseil des ministre le 10 octobre, que « les réponses ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux :
- malgré la diminution du nombre de suicides dans toutes les classes d’âges (-33 % depuis 2000), le suicide reste la 2e cause de mortalité entre 15 et 24 ans et est devenu la 1ère cause de mortalité des jeunes mamans ,
- les délais de prise en charge en ville et à l’hôpital restent élevés d’autant que l’inégale répartition des psychiatres et notamment des pédopsychiatres ne permet pas de répondre à certains besoins,
- la psychiatrie, notamment la psychiatrie publique, connaît des difficultés sous la pression de tensions en ressources humaines, tant médicales que paramédicales et ce secteur souffre d’un déficit d’attractivité qui ne lui permet pas de répondre de façon satisfaisante aux besoins des patients ».
Chaque année, 13 millions de personnes en France, soit 1 sur 5 , vivent avec un trouble psychique. Pour elles comme pour leurs proches, à la maladie s’ajoutent des situations d’errance diagnostique, de stigmatisation et de difficultés de prise en charge.
La honte, le déni et la peur entretiennent encore un tabou autour de la maladie psychique.
Concrètement qu’est-ce qui va changer ?
L’attribution du label « grande cause nationale » permet d’obtenir la diffusion gratuite de messages sur les télévisions et radios publiques.
- Une campagne de communication :
Elle devrait donc permettre de lancer une vaste campagne de sensibilisation et de prévention, de fédérer les acteurs publics et privés, et d’inciter à un changement profond dans la perception et la prise en charge de la santé mentale en France.
- Une ambition nouvelle :
Au-delà d’une simple campagne de communication la ministre a annoncé une « ambition nouvelle » avec pour objectifs prioritaires :
- la déstigmatisation, afin de changer le regard sur les troubles psychiques et les troubles mentaux,
- le développement de la prévention et du repérage précoce, grâce à la sensibilisation et à la formation dans toutes les sphères de la société,
- l’amélioration de l’accès aux soins en tous points du territoire par la gradation des parcours, le développement des nouveaux métiers de la santé mentale en veillant aux soins des personnes les plus fragiles et présentant les troubles les plus complexes,
- l’accompagnement des personnes concernées dans toutes les dimensions de leur vie quotidienne, à savoir, la formation, l’emploi, le logement, l’accès aux loisirs…
Dans l’immédiat, le Premier ministre a invité chaque ministère à se doter d’une feuille de route dédiée, étant entendu qu’un comité interministériel sera mis en place pour piloter cette nouvelle stratégie de santé mentale, sous la coordination de la ministre de la santé et de l’accès aux soins et de la ministre déléguée en charge de la coordination gouvernementale, avec l’appui d’une « task force » composée de plusieurs personnalités.
Pour l’UNAFAM cette labellisation doit poursuivre 3 objectifs : informer, prévenir et déstigmatiser.
Mais encore ?
On ne peut que saluer cette initiative : elle est un aveu d ’impuissance en même temps qu’une déclaration de bonnes intentions : c’est bien le moins que pouvait faire le gouvernement.
Mais, sans vouloir « jouer les Cassandre » ni les prophètes de malheur, on peut se demander si la grave pénurie de ressources humaines qui affecte le secteur de la santé mentale, et dont on n’aperçoit pas encore le terme, ne va pas constituer un obstacle majeur à ces ambitions et à tout progrès immédiat.
En 2026 : la psychiatrie « grande cause…toujours ? » (le Canard Enchainé du 9 octobre).
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