Emmanuel Ronot maîtrise. Il choisit précautionneusement ses mots, il prend le temps de quelques silences, manie volontiers l’anaphore. C’est Monsieur le Président. Et pourtant, sous des dehors ciselés, ce qu’il exprime vient de loin, c’est profond, c’est quasiment viscéral, en tout cas chevillé au cœur. Avec l’éthique comme bagage et le bien commun pour horizon, il tient à embarquer tout le monde, direction la construction collective.

Au départ, il y a un choc : « Moi quand j’ai démarré ma carrière de directeur d’établissement, je suis passé après les affaires Émile Louis. […] À ce moment-là, l'établissement pour lequel je travaille aujourd'hui, qui s'appelle l’Epnak (1) (établissement public national médico-social, plutôt handicap), a repris en gestion des établissements où il s'était passé des situations gravissimes de maltraitance ». Mais il existe de quoi panser l’ecchymose et penser l’avenir « J'ai démarré en 2002, avec les lois 2002. Donc j’ai été biberonné à la participation des personnes, à la promotion de la bientraitance, à l’amélioration de la qualité, à la lutte contre les maltraitances […]  Que rien ne soit décidé sans les personnes. Que les stratégies nationales ou les stratégies régionales de santé ou d'autonomie soient faites avec les personnes ».

Ceci explique sans doute son attachement très fort à la chose publique et son investissement « assidu et très curieux » dans « ce parlement de la santé et de l’autonomie qui fait discuter ensemble tous les acteurs du système ». Il siège donc plusieurs années en tant que représentant de l’Uriopss (2) à la commission médico-sociale. Puis, en 2020, arrive le Covid. « Et alors que se posaient des questions éthiques majeures, qui moi en tant que professionnel me perturbaient, la CRSA a arrêté de vivre. […] Donc, j’ai râlé. J'ai râlé parce que je disais que ce n'est pas normal qu'on enferme des gens. Ce n'est pas normal qu'on attache des personnes. Ce n'est pas normal qu'on empêche des personnes âgées de voir leurs enfants sous prétexte qu'on les protège d'un virus. […] Et je n’avais pas d’espace à ce moment-là pour qu’on discute de ces questions ».

On a beau jeu de se plaindre… mais autant se retrousser les manches. Emmanuel Ronot se propose donc comme président de la commission médico-sociale, puis, dans la dynamique engagée, président de la CRSA en 2021. Et depuis, parce qu’on lui demande, il a quelques motifs de fierté « mais de fierté partagée » ! Il souligne la vitalité de la CRSA en BFC, grâce notamment au lien solide avec l’ARS : « le DG ARS (3) ne manque pas une plénière. C’est-à-dire qu’il est lui-même présent devant les parties prenantes pour parler des thématiques que nous choisissons ». Grâce aussi au travail sur la communication et aux trois équivalents temps plein désormais financés pour soutenir l’action de la CRSA : « C'est du temps utile pour participer à l'amélioration de la santé, à ce qu'il y ait des questions, soit sur la place publique, soit sur la table d'un DG ARS ». Et s’il se félicite de l’amélioration globale du présentéisme, il enrage d’un quorum insuffisant parfois pour prendre des décisions.

Et vingt fois sur le métier il remet son ouvrage, avec ce leitmotiv : « Les gens peuvent râler, mais s’ils investissent la Conférence régionale de santé ou les CTS (4) comme étant des lieux où peut s’élaborer une réponse positive à des situations problématiques, eh bien on gagne ! ». Et avec ce cercle vertueux on pourra toucher le grand public, car « le fait que dans les Ehpad par exemple, il y ait des taux d’encadrement supérieurs, ce sont des choses de long terme qui sont très dépendantes du vote dans les urnes ».

La CRSA, « the place to be » ? Mais oui !

Marion Defaut